Côte d’Ivoire : après un revers juridique, le Conseil Café-Cacao enclenche une nouvelle stratégie ; l’intimidation face à la CNMA-CI
Abidjan le 02 Mai 2025 – Malgré une décision de justice nuancée rendue le 28 mars 2025, le directeur général du Conseil Café-Cacao (CCC), Yves Koné Brahima, semble déterminé à poursuivre son bras de fer avec la Coordination Nationale du Monde Agricole de Côte d’Ivoire (CNMA-CI). Alors même que la justice n’a pas donné gain de cause au CCC sur tous les points soulevés, l’institution semble vouloir prendre une posture plus offensive, en particulier à l’égard de Bilé Bilé, président de la CNMA-CI.
La convocation de ce dernier le mardi 29 avril 2025 à la police criminelle pour une plainte pour diffamation a été interprétée par plusieurs observateurs comme un changement de stratégie : du terrain judiciaire au terrain sécuritaire, à travers ce qui s’apparente pour certains à une tentative d’intimidation. Ce recours à la police criminelle, et non à la brigade de recherche classique, suscite d’autant plus d’interrogations qu’il intervient dans un contexte de forte tension entre les deux structures.
Pour rappel, la CNMA-CI, au nom des producteurs de café-cacao, avait saisi le juge des référés pour obtenir un audit indépendant portant sur la gestion de plusieurs volets sensibles : les fonds Covid, la distribution des produits phytosanitaires, et celle des sacs de jute. Le juge a certes rejeté la demande au fond, estimant que les éléments produits ne suffisaient pas à justifier une telle mesure à ce stade. Mais il a néanmoins rappelé la légitimité de la CNMA-CI à agir et a fermement recadré plusieurs manœuvres procédurales du CCC.
En effet, la tentative du CCC d’obtenir une fin de non-recevoir en prétendant que la CNMA-CI n’avait pas qualité pour agir a été écartée. Le juge a reconnu le droit d’une organisation représentant les producteurs à demander des comptes sur l’utilisation de fonds publics qui leur sont destinés. Il a également rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la défense, rappelant que les mesures conservatoires peuvent être prononcées sans condition d’urgence absolue, dès lors qu’elles visent à préserver les droits des parties.
Autrement dit, loin de constituer une victoire éclatante pour le CCC, la décision du juge est avant tout un signal fort en faveur de la transparence. Elle offre une base juridique solide à la CNMA-CI pour poursuivre sa quête de vérité devant le juge du fond, mieux armée d’éléments probants. La justice a refusé de trancher prématurément sans preuves suffisantes, mais elle a aussi reconnu que les questions posées sont pertinentes et méritent d’être débattues dans un cadre judiciaire adapté.

Dans ce contexte, la décision d’intenter une action pour diffamation à l’encontre de Bilé Bilé pourrait être perçue comme un contre-feu, destiné à détourner l’attention des interrogations légitimes sur la gestion du CCC. Mais cette démarche comporte aussi des risques. Elle pourrait renforcer l’image d’un établissement public peu enclin à rendre des comptes, et donner du crédit au discours d’un monde agricole de plus en plus mobilisé.
Bilé Bilé, qui s’était déjà illustré en 2008 en dénonçant de graves irrégularités dans la filière café-cacao, affirme ne pas se laisser intimider. Il annonce déjà de nouvelles initiatives judiciaires pour exiger la vérité sur les 17 milliards de FCFA du « Fonds Covid » censés avoir bénéficié aux producteurs.
La CNMA-CI entend ainsi maintenir la pression, convaincue que l’enjeu dépasse les personnes pour toucher aux principes fondamentaux de gouvernance et de redevabilité. Dans cette affaire où la communication officielle semble vouloir masquer des zones d’ombre, la justice s’impose peu à peu comme l’arbitre d’un débat qui ne fait que commencer.
JEN